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Nature et fréquence des blessures dans la pratique du CrossFit (traduction)

Nature et fréquence des blessures dans la pratique du CrossFit (traduction)

Dés 2012, un goupe de médecins anglais de l’université de Cardiff a mené une étude scientifique pour déterminer si la pratique du CrossFit induit un risque de blessure superieur à celui encouru dans d’autres sports.

La French Co met à votre disposition une traduction exclusive des résultats tirés de cette enquête.

 

Résumé

Le CrossFit est une méthode de conditionnement physique proposant des entrainements fonctionnels continuellement variés, réalisés à haute intensité. Sa popularité ne cesse d’augmenter depuis sa création, il y a 12 ans.

Les lésions associées au Crossfit ont suscité de nombreuses polémiques notamment au sujet de la rhabdomyolyse et de pathologies squeletto-musculaires. Cependant, il n’existe à ce jour aucune preuve ou donnée sérieuse permettant d’évaluer la fréquence et le niveau de blessures dans ce sport. Le but de cette étude est donc de de connaître précisément leur taux en prenant en compte différents profils d’athlètes. Un questionnaire en ligne a été distribué sur des forums internationaux de CrossFit. Les données collectées incluent les informations démographiques, les programmes d’entrainements, le type de blessures et la prise de compléments alimentaires. Un total de 132 réponses a été collecté, dont 97 (73,5%) s’étant blessés au cours d’un entrainement. Un total de 186 blessures a été rapporté, dont 9 (7,0%) nécessitant une intervention chirurgicale. Soit un total de 3,1 blessures pour 1000 heures. Aucun cas de rhabdomyolyse n’a été relevé. Les résultats obtenus en CrossFit sont similaires à ceux que l’on peut trouver pour d’autres pratiques, notamment en haltérophilie olympique, en powerlifting, en gymnastique ou d’autres sports de contact, comme le rugby (en compétition). Les lésions des épaules et de la colonne vertébrale sont les plus fréquentes, mais n’ont aucun effet sur la rhabdomyolyse. À notre connaissance, c’est la première étude scientifique participative qui détaille et étudie la fréquence des blessures dans le CrossFit.

Mots-clé: CrossFit, blessure, haltérophilie

 Introduction

Le CrossFit s’auto-décrit comme une méthode de conditionnement physique « constamment variée, composée de mouvements fonctionnels réalisés à haute intensité’ et ayant pour objectif de « déplacer des charges, sur de longues distances, le plus rapidement possible ».  Depuis sont apparition il y a 12 ans, le CrossFit s’est développé et compte aujourd’hui pas moins de 3500 salles affiliées autour du monde et un partenariat de près de 10 ans avec Reebok.

Les entrainements se font sous forme de WODs (exercices du jour – Workouts Of the Day en Anglais) qui mélangent exercices de gymnastiques au poids du corps, haltérophilie, mais aussi de la course, du rameur, de la corde à sauter et utilisation d’une multitude d’ objets aux formes pouvant paraître étranges. Chaque WOD est unique mais se décline en différents niveaux de difficulté (adapté – « scalable ») pour permettre à chacun de participer en fonction de sa force et son niveau de fitness. Les séances sont créées pour atteindre des objectifs précis, induisant un effet d’émulation positive et de compétition saine entre les participants mais surtout face à soi-même.

Le CrossFit se positionne aujourd’hui comme le « Sport Fitness » par excellence. Sa concrétisation trouve son apogée lors des jeux annuels, les CrossFit Games, dont les phases de qualifications sont ouvertes à tous. Les sélectionnés participent ensuite aux phases régionales puis mondiales. Le gagnant des dernières éditions s’est vu remettre un  prix de 1 000 000$.

Prenant fait et cause du caractère aléatoire des programmations, de nombreuses critiques ont été formulées quant à leur manque d’individualisation. Mais l’amélioration générale du niveau de santé et de fitness des pratiquant de CrossFit a récemment généré une vague de soutien. La méthode à donc réellement fait ses preuves et s’impose désormais comme un programme efficace qui peut être suivi en tout sécurité à différents niveaux.

Cependant des inquiétudes demeurent, notamment sur l’intensité et la compétition de la pratique. Des cas de rhabdomyolyse ont été signalés, notamment par un participant des Games en 2008. Des inquiétudes ont également été émises sur la dégradation de la qualité d’exécution des exercices durant les WODs, ce qui peut davantage exposer aux blessures. Un récent atelier collaboratif mis en place par le Consortium pour la Santé et la Performance Militaire (CHAMP), d’autres membres du Département de la Défense (DoD), et des représentants du Collège Américain de la Médecine des Sports (ACSM), a suggéré un bénéfice potentiel, mais a aussi mis en lumière un risque non négligeable de traumatismes pour les pratiquants de sports extrêmes, comme le CrossFit. Des recherches plus poussées sont recommandées pour approfondir la question.

Cette étude tente de déterminer le risque de blessure au cours d’une séance de CrossFit, mais également de définir le type de blessures et leur durée grâce à une observation globale. Les résultats permettront d’obtenir des preuves tangibles et inédites basées sur une approche scientifique.

Méthode

L’étude se base sur sur un questionnaire anonyme en ligne permettant de recenser un maximum d’informations à propos des pratiquants du CrossFit. Celui-ci a été publié sur les forums et groupes ayant trait au CrossFit les plus pertinents. Tous les lecteurs, y compris ceux n’ayant jamais eu de blessures, ont été invités à répondre.

Les questions incluaient des données démographiques sur le pratiquant à savoir l’âge, le sexe, l’hygiène de vie (fumeur ou non fumeur, consommation d’alcool), la supplémentation, les paramètres d’une séance complète, ainsi que la fréquence d’entrainement sur la semaine.

Les médecins ont demandé aux participants de lister le nombre et la nature de leurs blessures depuis qu’ils avaient commencé le CrossFit. Seules celles ayant eu lieu au cours d’une séance on été retenues et plus spécifiquement, celles qui ont par la suite empêché le participant de suivre ses sessions d’entrainements, de travailler ou de prendre part à une compétition. Les blessures nécessitant une opérations chirurgicale ont également été prises en compte.

Les données ont été collectées anonymement entre les mois de février et de mai 2012 et  synthétisées grâce à Microsoft Excel en regroupant les parties du corps touchées. Mais l’étude comporte certaines limites dans la mesure où les lésions mentionnées n’ont pas été soumises au contrôle du personnel médical et ont pu être auto proclamées par les participants. De plus, les athlètes ayant subi un traumatisme sont potentiellement plus sensibles au sujet et donc susceptibles de participer. Malgré ces biais, les résultats fournissent des critères d’évaluation fiables au sujet de ce type d’entrainement en pleine expansion et donne ainsi un premier état des lieux objectif sur les risques et les la typologie des blessures que l’on peut rencontrer dans ce sport.

Resultats

Sur la période étudiée, 132 réponses n’ont pas pu être utilisées (questionnaire incomplet). L’échantillon est le suivant : 93 (70,5%) hommes et 39 (29,5%) femmes, une moyenne d’âge de 32,3 ans (pour une fourchette d’âges de 19 à 57 ans), 3,8% de fumeurs et 126 personnes (95,5%)  consommant 14 unités au moins d’alcool sur une semaine (graphique 1). 3 personnes on admit utiliser des suppléments pour améliorer leurs performances soit 2,2%. Les participants pratiquaient en moyenne le CrossFit depuis 18,6 mois à raison de 5,3 heures par semaine.

97 (73,5%) participants ont déclaré s’être déjà blessés au point de ne plus pouvoir  travailler, s’entrainer ou prendre part à une compétition. Au total, 186 blessures ont été reportées dont les plus fréquentes sont à l’épaule, au dos puis au bras ou au coude. 9 participants (7,0%) ont été victimes d’un traumatisme qui a nécessité par la suite une intervention chirurgicale. Aucune forme de rhabdomyolyse n’a été reportée.

La durée totale des entrainements au cours de la semaine a permis d’identifier une période à risque. Le taux s’élève à 3,1 blessures pour 1000 heures d’entrainements soit environs 3 blessures tous les 5 ans.

Discussion

Cette étude est donc le premier travail scientifique qui s’intéresse aux causes et conséquences des blessures chez les CrossFiteurs. Les plus fréquentes sont situées à l’épaule suivi de la zone para-vertèbrale. Mais celles-ci restent similaires en qualité et quantité à celles rapportés par les travaux scientifiques réalisés pour d’autres sports comme l’haltérophilie olympique, le powerlifting et la gymnastique et même plus bas que pour certains sports de contact comme le rugby. Ces pratiques, ayant en commun l’intensité, le caractère parfois agressif et très compétitif ne sont ni plus ni moins enclines aux blessures que d’autres activités telles que le fitness, l’athlétisme ou le triathlon.

Le taux important de traumatismes à l’épaule (31,8%, représentant 25,8% des blessures), est toutefois plus haut que ceux recensés à des niveaux élites et compétition en haltérophilie olympique où le placement des épaules en hyper-extension et en rotation interne induit un risque. En CrossFit, les mouvements au dessus de la tête sont effectués plusieurs fois au cours d’une même séance, avec une forte intensité et en utilisant des charges lourdes. La posture peut se dégrader au cours des répétitions, amenant une mauvaise posture et un placement des épaules au maximum de leur mobilité. Un très bon exemple exemple peut être pris avec la position basse du squat snatch (image 3). Si la posture est correcte, (image 3) l’extension et la fixation de l’épaule est visible. Aucune force anormale n’est exercée. A l’inverse, dans le cas d’une mauvaise posture (image 4), l’épaule est dans une position d’hyper-extention avec qui plus est une rotation interne. Il y a ici un risque net de déplacement de l’articulation.

La pratique du « kipping » pull-up (photo 6), qui consiste à utiliser l’élan du centre du corps (bassin et abdominaux) pour générer plus de force place aussi les épaules dans une position de faiblesse dans laquelle les tissus musculaires sont exposés aux lésions. Ce mouvement, réalisé en strict (photo 5) permet en revanche de travailler sans risque, en respectant l’alignement du corps.ercée sur le bas du mouvement, pour aider l’athlète à repartir dans la répétition suivante.

Ces deux mouvements à risque sont particulièrement présents sur les entrainements. 9 des 15 benchmarks officiels comprennent d’ailleurs des pull-ups ou des overheads. ll est donc évident que l’on retrouve un nombre anormalement élevé de blessures à l’épaule. Le terme « épaule de Crossfitteur » est d’ailleurs passé dans le langage courant au sein des box.

Les blessures situées au niveau des lombaires et leurs conséquences ont déjà fait l’objet d’études documentées en athlétisme et sur la population globale. Leur fréquence en CrossFit ressemble là encore à ce qui peut être observé en powerlifting et en haltérophilie. L’intensité, couplée à un nombre élevé de répétitions et des charges importantes sur des exercices très techniques peuvent expliquer cette récurrence. La dégradation de la posture en cas de fatigue, notamment sur les squats, deadlifts, clean et snatch empêche la colonne vertébrale et la cage thoracique de rester en position neutre.

En haltérophilie, l’objectif est de développer un maximum de force pure. Il n’y a donc que peu, voire une seule répétition alors qu’en CrossFit, la vitesse est souvent recherchée, induisant un plus grand nombre de répétition. La progression du deadlift dans son mouvement strict (photo 8) accentue la pression exercée sur les lombaires.  L’alignement du dos et de la tête, maintenus en position neutre, préviennent le risque de blessure. L’efficacité de ce mouvement peuvent être perdus avec la fatigue : il est courant d’observer une flexion du buste et donc de la colonne (dos rond) pouvant occasionner des lésions sur les disques vertébraux.

Bien que cité comme un risque potentiel lors de la pratique du CrossFit, aucun cas de rhabdomyolyse n’a été reportée dans l’échantillon. Cela est en partie lié à l’étendue de l’étude qui, pour rappel, avait un spectre très large. Pour rappel, cette pathologie concerne majoritairement les athlètes ayant un niveau et une intensité particulièrement élevés. La pratique régulière d’entraînements CrossFit présente un risque très faible, équivalent à celui encouru dans d’autres sports.

Applications pratiques

Les motifs de blessures de l’échantillon sont similaires à ceux observés dans d’autres sports pratiqués à haute intensité et requérant des techniques spécifiques (haltérophilie ou powerlifting). Les taux sont, quant à eux, plus bas que ceux des sports de contact. L’importance des blessures à l’épaule et de la zone limbaires, liée au nombre important de répétitions et de charge doit être considéré et pris en compte et la programmation doit absolument viser la réduction de celles-ci pour changer la perception du CrossFit et de ses risques hypothétiques.

Lors des premiers entrainements, une attention toute particulière doit être portée à la technique de tirage. Le respect de la technique et de la sécurité primera toujours sur la vitesse le nombre de répétitions. Une programmation équilibrée, réduisant l’occurence certains mouvements à risque comme les pull-ups ou les overheads est aussi un point clé de la prévention. Ces ajustement n’importeront en aucun cas la santé globale et les bénéfices lés à la pratique du CrossFit, et permettront de réduire efficacement le nombre de lésions. Plus globalement, un focus plus important sur le conditionnement métabolique (cardio) peut être envisagé.

Il est intéressant de noter que la programmation officielle de crossfit.com (pour les mois d’avril de ces 3 dernières années), inclut seulement 3 à 5 jours de Wods axés sur la force versus 16 à 18 axés sur le conditionnements métaboliques. L’entraînement à charge lourde ne peut être pratiqué en sécurité que par les athlètes ayant déjà développé des qualités de force importantes.

Un manque d’individualisation est également pointé du doigt comme étant un des aspects négatifs du CrossFit. L’esprit même du CrossFit consiste à s’entrainer pour pouvoir faire face et s’adapter à n’importe quelle situation. En cela, l’hyper- personnalisation des programmation n’est pas souhaitée mais certain degré d’individualisation peut cependant aider à définir des objectifs plus atteignables et donc à baisser le taux de blessures. C’est l’expérience vécue par la grande majorité des pratiquants dès lors qu’ils sont abonnés dans des salles affiliées et bénéficient des compétences des coachs.

Références

  1. Hak PT, Hodzovic E and Hickey B. The nature and prevalence of injury during CrossFit training. J Strength Cond Res In Press, doi: 10.1519/JSC.0000000000000318. (https://fr.scribd.com/doc/208739450/CF-injury)

 

Légendes Graphiques et Images

  1. Consommation d’alcool
  2. Nombre de blessures et leur localisation
  3. Squat snatch en position basse, bonne position. Les épaules ne montrent aucune hyperflexion, et on peut observer une bonne mobilité de la cage thoracique ce qui permet la position de l’overhead
  4. Squat snatch en position basse, mauvaise position. On voit une hyperflexion des épaules ce qui provoque plus de poids sur l’overhead, plaçant les épaules dans une position à risque
  5. Position basse lors d’une pull up traditionnelle. Les épaules sont dans une position de flexion confortable, où la flexion au dessus de la tête n’est pas traumatisante
  6. Position basse lors d’une pull up en kipping. On voit une hyperflexion des épaules, dont l’athlète se sert pour repartir et relancer son mouvement
  7. Progression du deadlift dans une bonne position. Les lombaires et l’épine thoracique sont gardés dans un alignement relativement neutre et droit
  8. Progression du deadlift dans une mauvaise position. On peut voir une forte flexion au niveau des lombaires et le l’épine thoracique

1.

Copyright © Lippincott Williams & Wilkins. All rights reserved.

2.

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3.

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4.

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5.

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6.

Copyright © Lippincott Williams & Wilkins. All rights reserved.

7.

Copyright © Lippincott Williams & Wilkins. All rights reserved.

8.

Copyright © Lippincott Williams & Wilkins. All rights reserved.

 

Mr. Paul Taro Hak MBChB, MRCS. Specialist Registrar, All Wales Trauma and Orthopedic Training Program, Cardiff, UK.

Dr. Emil Hodzovic MBChB. Foundation Trainee, All Wales Training Program, Cardiff, UK.

Mr. Ben Hickey, MBChB, MCRS. Specialist Registrar, All Wales Trauma an Orthopedic Training Program, Cardiff, UK.

Corresponding Author:

Mr. Paul Taro Hak

23 Rowsby Court, Cardiff, CF23 8FG, UK

Tel: 07980 333 737

paulhak@doctors.org.uk

Aucune industrie ou aucun autre financement n’a été accepté pour cette publication. L’auteur ne reconnait aucun conflit d’intérêt. Les résultats de l’étude suivante ne sont en aucun cas une promotion pour l’auteur au le NSCA.

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